Qu’est-ce que la transition écologique ?
Quand tout est dans tout…
D’abord, je vais me tordre le bras et préciser que dans ce texte je ne parlerai pas d’écologie. Ou plutôt, pas d’écologie en termes scientifiques. L’écologie, en tant que science, peut être définie comme décrivant les transferts de matières et d’énergie dans les écosystèmes ou encore de la science traitant des organismes en interaction avec l’environnement (voir par exemple l’introduction de mon cours de Master en écologie : https://max2.ese.u-psud.fr/epc/conservation/data/Cours/EE/IntroductionEcologie_20032017.pdf). Ce n’est pas de ça dont je vais parler même si je trouve ce sujet passionnant. Je parlerai ici de la transition écologique. Transition écologique. On retrouve ce terme partout. Et pourtant qu’est-ce que c’est ? Je vais vous proposer non pas une définition, vous trouvez ça sur Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Transition_écologique), mais des digressions sur le sujet pour enrichir le débat.
Le concept de transition écologique fait appel à deux entités : transition et écologie. Le terme transition décrit le passage d’un point A à un point B et écologie désigne… et bien justement, c’est là le problème : cela désigne ce que chacun veut mettre derrière ce terme. Pour comprendre comment on est arrivé à utiliser un concept flou comme élément fondateur de politiques, il faut revenir à l’origine des termes et les replacer dans leur époque. C’est un défi quotidien pour l’historien ; pour comprendre un concept, il faut l’analyser à la lumière des connaissances et des pensées de l’époque où il est apparu et non à l’aune des savoirs actuels.
Le premier terme proche à être apparu est transition énergétique. Le concept de transition énergétique est apparu en France en 2013 dans un rapport issu du débat national sur la transition énergétique de la France. L’objet était bien ciblé, la production d’énergie, et il s’agissait de répondre à un double défi : les ressources énergétiques, qui sont à 80 % des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), sont à la fois épuisables et première cause du réchauffement climatique. La notion « épuisable » est ici importante et s’oppose bien évidemment à la notion de « renouvelable ». Il faut noter cependant que même si le pic de production de pétrole est soit passé soit imminent (concept de « Peak oil »), nous ne risquons pas de manquer de carburant puisqu’on sait transformer le charbon en combustible liquide par une réaction appelée liquéfaction du charbon : nous disposons d’environ 3 000 ans de réserve de charbon ! Bien évidemment le problème qui se pose est qu’on relarguerait dans l’atmosphère une quantité énorme de carbone sous forme de CO2 qui conduirait à un réchauffement climatique complètement hors de contrôle (mais ne l’est-il pas déjà ?). Différentes pistes sont décrites dans ce document de 2013 pour parvenir à effectuer cette transition énergétique.
Le terme de transition écologique est apparu à peu près au même moment avec la création en novembre 2013 du Conseil national de la transition écologique (CNTE), puis la création du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) en 2017, rebaptisé en ministère de la Transition écologique en 2020. Alors que la transition énergétique avait un objet relativement facile à appréhender, il en est tout autrement de l’écologie dans la transition écologique. Le ministère de la transition écologique a pris la suite du ministère chargé de l’écologie et du développement durable. Ce changement de terminologie permet de voir la filiation entre ces concepts. Le développement durable est une conception du développement ou de la croissance qui intègre les contraintes écologiques, sociales et économiques. La culture, élément important pour le fonctionnement de notre société, a été intégrée dans le concept du développement durable dans l’allocution des vœux du nouvel an présentés en 2018 par le Président Emmanuel Macron. Donc le développement durable intègre l’ensemble des éléments permettant à une société d’avoir un avenir durable. La transition écologique serait donc, dans cette acception, la composante des sciences de l’environnement du développement durable. Cela inclut l’impact de l’homme sur la biodiversité ou les pollutions par exemple mais aussi toutes les exploitations de ressources non-renouvelables. Est-ce que la transition écologique doit traiter aussi d’économie solidaire et finalement remplacer le concept de développement durable ? Cette tendance, qui est effectivement perceptible, me semble poser des problèmes épistémologiques et opérationnels.
Problèmes épistémologiques car alors si la transition écologique devient l’équivalent du développement durable, l’écologie disparait de facto dans le triptyque (ou quadriptyque si on inclut la culture) du développement durable. Or faire disparaître les conséquences de l’impact de l’homme sur les écosystèmes me semble être contre-productif par rapport aux enjeux même des problèmes à traiter par la transition écologique. Problème opérationnel aussi car si la transition écologique devient l’équivalent du développement durable, elle prend en charge finalement l’ensemble du fonctionnement de la société. Mais comme les objectifs ne sont pas clairement définis et sont liés parfois à des données subjectives, le fondement sur lequel les décisions seront prises apparaît comme pouvant manquer de rationalité.
En conclusion de ces digressions sur la transition écologique, il m’apparait qu’il est important de ne pas remplacer le concept de développement durable par celui de transition écologique. C’est d’ailleurs bien ce qui est fait à Chaville puisque nous avons un Conseil Communal du Développement Durable dont les compétences recouvrent la transition écologique mais va au-delà puisque ce conseil doit prendre en compte aussi l’aspect social et sociétal des mesures qui pourraient être prises au sein de la ville. La transition écologique, pour être opérationnelle, doit s’intéresser à l’impact de l’Homme sur les écosystèmes et, l’Homme faisant parti de l’écosystème, l’impact sur l’humain lui-même doit être pris en compte. La thématique scientifique recouvrant ces concepts s’appelle One Health (une santé, la santé des écosystèmes et celle des humains).
Si on veut utiliser le concept de transition écologique comme incluant l’ensemble des acteurs et agents du fonctionnement de la société, je crains que finalement les enjeux originaux de l’importance de la transition écologique disparaissent et que l’effet soit inverse de celui souhaité : avoir une collectivité respectueuse de son environnement qui, en retour, donnera une qualité de vie excellente comme tous les Chavillois l’attendent.